DISC : la couleur de l’énergie
Le DISC est, à la base, un outil d’évaluation psychologique basé sur la théorie décrite dans le livre « Emotions of Normal People » par W. M. Marston en 1928. Le même Marston, qui, quelques années plus tard créera le personnage de Wonder Woman… mais je m’égare, non ?
Le principe est de considérer, d’une part, que certaines personnes sont plus enclines à l’action tandis que d’autres le sont à l’observation, et, d’autre part, que certaines personnes considèrent leur environnement comme hostile ou favorable. Perception et réaction à l’environnement définissent ainsi 4 « énergies » (dans le vocabulaire de Marston) qui sont : la Dominance (D associé à la couleur rouge), l’Influence (I, associée à la couleur jaune), la Stabilité (« Submission » en anglais, qui a, à la fois, le sens de « soumission » et de « contribution », S associée à la couleur verte), et enfin la Conformité (C associée à la couleur bleue).
Vous trouverez, dans BeetleDo, un modèle qui vous permettra d’établir un profil en évaluant des niveaux pour chaque « énergie ». Quant aux clés de lecture du DISC, vous les trouverez aussi sur BeetleDo grâce au compte de démo (demo@beetlechoice.com, mot de passe « demoBeetleDo »).
Cependant, le propos de cet article n’est pas tant la lecture et l’interprétation du DISC que la façon d’appréhender l’outil et tous les outils qui permettent de dépeindre les personnalités.
Je suis bleu, et alors ?
Je l’ai compris très vite, à la lecture des traits de caractères du Conforme, c’est le profil qui me correspond le plus. Mais, bien entendu, certaines caractéristiques me semblent étrangères tandis que d’autres, qui me sont familières, se trouvent correspondre à d’autres profils. Sans compter qu’entre mon auto-évaluation tout à fait honnête et la réalité, pour autant qu’elle soit catégorisable, il puisse y avoir un petit écart.
Bien évidemment, faire renter quelqu’un entièrement dans l’une des quatre cases est illusoire, bien qu’il ne soit pas exclu que certains y rentrent complètement. De plus, la répartition des profils dans le spectre n’est pas uniforme et varie selon les contextes (culturels, par exemple). Dans l’immense majorité des cas, on trouvera une couleur dominante et une ou deux couleurs secondaires significatives.
Artificiellement, le modèle proposé considère que les qualités que l’on s’attribue sont plutôt flatteuses et celles qu’autrui envisage le sont moins. En fait, tout est question de niveau de lecture, de jugement a priori et manichéen. Entendre que le Conforme est « passif » peut faire réagir l’égo du « teinté bleu » qui aura une vision de son opposé Influent comme celui qui agit sans réfléchir.
Il faut donc faire abstraction d’une vision qualitative des caractères. D’ailleurs, on le sait tous, nous avons les qualités de nos défauts, alors à quoi bon faire des classements. En poussant le bouchon un peu plus loin, on dira que nous sommes tous parfaits, mais seulement dans un contexte particulier.
Alors oui, je suis bleu et j’en suis heureux. Toutefois, certaines de mes activités me donnent envie de couleurs différentes…
Chercher à développer une autre coloration, est-ce possible ?
Par construction, on imagine mal correspondre à une caractéristique et à son contraire, mais une caractéristique peut dépendre d’un contexte. On reconnaît par exemple volontiers qu’une situation de stress modifie le comportement. On peut aussi imaginer que dans certains domaines d’activité, une personne soit transcendée. Alors, on peut considérer qu’il y a, chez l’individu, des caractères de base et un certain nombre de nuances de couleurs qui se superposent en fonction du contexte.
Soit, mais la question est : peut-on décider d’être ou de devenir qui on veut quand cela nous arrange ? – Peut-être ? Sans doute pas toujours. Alors, les modèles tels que le DISC qui décrivent les comportements comme des caractères déduits de notre perception du monde et de notre façon naturelle de réagir, nous donne des indications sur les leviers de changement, qu’ils soient durables ou temporaires.
Je suis Conforme, et à ce titre, j’ai généralement des difficultés à prendre des décisions rapides et tranchées. Mais si le modèle dit, qu’en tant que Conforme, j’ai une certaine aversion pour le risque, je ne le reconnais pas volontiers. Par contre je prends assurément plaisir à l’analyse des causes et des conséquences. Ceci fait que suspendre une décision pour en soupeser longuement le pour et le contre est quelque chose de confortable pour moi. D’autre part, si vous avez lu notre article « Prenez l’habitude de changer », vous savez que l’urgence ou la lassitude sont des motivations du changement. Il peut être intéressant d’imaginer que le Dominant ou le Conforme ne positionnent pas ces deux notions de la même manière.
Y a-t-il un juste milieu ?
Même si on est Conforme, il vient un temps où le changement trouve sa place. Il y a quelques années, j’ai entrepris une démarche de développement personnel qui m’a conduit à développer ma conscience de ma responsabilité devant ce que le modèle appelle « mon environnement ». Ma lecture d’aujourd’hui me fait comprendre que cela a réduit la pertinence d’être dans une position d’observateur pour ce qui concerne directement ma vie, déplaçant ma position vers le rouge dans ce domaine. Le développement du non-jugement, lui, a un effet sur la vision du monde qui n’est plus vu comme naturellement hostile, déplaçant ma position vers le vert du coopérant.
Finalement, si j’avais été rouge, jaune ou vert, ma position aussi aurait bougé vers le centre de la cible. Alors, faut-il en conclure qu’une position centrale est une position de maturité ? – Peut-être, mais que ce passe-t-il lorsque le contexte est exceptionnel ? On constatera probablement que nos couleurs de base refont surface, au moins en partie.
Vouloir changer peut être vu comme une expression de l’égo. Afficher, dans un contexte particulier, une couleur qui n’est pas la nôtre peut être utile, nécessaire… ou révélatrice. D’autant qu’il ne vous aura pas échappé que certaines couleurs semblent opposées. Enfin de compte, si nous utilisons le DISC comme une boussole dans notre évolution personnelle, il paraît possible de tendre vers une neutralisation de la catégorisation, mais il peut être intéressant également de travailler sur son agilité à occuper une posture plus adaptée à un contexte et à interagir avec des profils dont les affinités sont disparates.
Construire une équipe multicolore
Le DISC cherche à caractériser un profil individuel ainsi que les interactions entre profils. On peut alors avoir envie de s’interroger sur la pertinence d’utiliser le DISC pour composer ou modifier une équipe. Peut-on optimiser la composition d’une équipe avec l’outil ?
C’est tentant. En tous cas, établir le profil des membres d’une équipe peut être utile pour avoir un regard différent sur ses fonctionnements inattendus.
Ma première réflexion porte sur l’influence de la personne qui construit, dirige ou mandate l’équipe :
- quelle mission donnera-t-il a l’équipe ? Une équipe pluridisciplinaire, une équipe qui construit, qui exploite ou supporte, pilote une activité spécifique ou gère les crises aura-t-elle des couleurs spécifiques ?
- Comment sa couleur va- t-elle influencer celle des futurs membres de l’équipe ? Même si le recrutement est délégué, les indications données au recruteur auront une influence sur les couleurs du recruté.
Mon deuxième axe de réflexion porte sur la nature de l’impact de la coloration des profils de l’équipe :
- le modèle met en avant l’impact relationnel entre membres de l’équipe, mais il en a sans doute un sur la performance.
- certaines configurations semblent problématiques, par exemple l’absence ou pléthore de Dominants peut-elle gripper l’organisation ? Le modèle répondra que deux rouges travaillent fort bien ensemble à partir du moment où ils se sont mis d’accord sur leurs périmètres respectifs. Mais en pratique, on peut imaginer des contextes où on se trouve face à des incompatibilités.
Si on considère une équipe comme l’ensemble de ses parties, on imagine que l’on peut lui attribuer une coloration qui serait le barycentre de ses composantes. Alors, on aura peut-être intérêt à teinter l’équipe en intelligence avec son activité : par exemple, une équipe qui gère les crises aura sans doute intérêt à voir l’environnement comme hostile. Aussi, une équipe qui assure le support d’une activité sera sans doute plus enclin à l’observation qu’à l’action, tandis qu’une équipe « projet » sera sans doute plus efficace si elle est « équilibrée ».
Travailler ensemble
Si la diversité des couleurs semble profitable à une équipe d’un point de vue externe, elle semble révélatrice de difficultés dans les relations interpersonnelles. La différence (ou similitude) de couleur n’explique pas pourquoi des difficultés apparaissent, mais indique sur quels aspects elles sont d’avantage susceptibles d’apparaître.
Bien entendu, une équipe fonctionne sur la base de rôles et responsabilités, explicités ou non, qui régissent le fonctionnement de l’équipe en matière d’autorité et de collaboration. Le modèle du RACI (pour Responsible, Accountable, Consulted, Informed) peut être utilisé pour décrire les rôles et responsabilités sur les différentes activités. On sera tenté d’associer des couleurs privilégiées aux rôles comme par exemple le rouge-Dirigeant avec le A pour son aptitude à la responsabilité, mais on peut imaginer qu’un bleu-Conforme sera mieux positionné dans un rôle de responsable de la qualité ou de la sécurité.
Par conséquent, l’autorité d’un rouge sera plus difficilement contestée s’il a été identifié comme responsable d’une activité donnée, ou on pourra plus difficilement reprocher à un bleu de ne pas avoir jouer son rôle de « gardien du temple » s’il n’a pas été identifié comme personne à consulter. A l’inverse, s’interroger sur l’impact du positionnement d’un profil dans un rôle spécifique sur une activité spécifique peut éviter des désagréments, notamment parce qu’il peut enfermer les collaborateurs dans des postures archétypales.
De plus, juger a priori de l’adéquation entre rôle et couleur peut être dangereux, c’est une manière d’inviter le conflit en décidant, avant même qu’un événement déclencheur ne survienne, qu’il est inévitable.
Associer des couleurs et des activités
Je suis bleu-Conforme, j’ai apprécié travailler dans la gestion de la qualité, dans le conseil… Normal, je suis bleu. Certes, ce type d’activité correspond à ce que l’on pourrait considérer comme une zone de confort. Pourtant, un jour, j’ai décidé de me lancer dans l’entrepreneuriat. Suis-je devenu rouge pour autant ? J’en doute un peu.
Dans les activités de l’entrepreneur, les activités de communication ont une place importante. On imagine volontiers qu’un profil d’Influent s’y trouve comme un poisson dans l’eau et en tant que bleu-Conforme, on peut se sentir frustré d’être « à l’opposé » du jaune. Mettons de côté ce ressenti baigné d’a priori. En fait, si le jaune est très porté sur le relationnel, on peut imaginer qu’il excelle dans la communication dont l’objet est lié à l’interaction, au plaisir, à la motivation, mais si l’objet de la communication est le partage d’information, la coordination, l’efficacité, chacune des autres couleurs trouvera son efficacité à aborder les aspects auxquels elle est sensible et choisira un mode de communication qui lui convient.
Le DISC est notamment pris en considération dans les techniques de vente. Une autre lecture de la catégorisation est alors donnée : La perception de l’environnement conduit les personnes à s’orienter vers la tâche (D et C) tandis que d’autres sont orientés « personnes » (I et S). De son côté, la réaction est associée à une assertivité orientée « demande » (S et C) ou « affirmation » (D et I). On met alors en lumière le côté « exigeant » du Dominant, le côté « expansif » de l’Influent, le côté « coopérant » du Stable et le côté « réfléchi » du Conforme. A partir de là, on identifie des éléments pertinents d’argumentation et on comprend que certaines étapes de vente ont une importance plus prononcée pour certains profils de prospects.
En généralisant, on peut dire qu’une activité donnée n’est pas l’apanage d’une couleur mais que les éléments qui la caractérisent n’ont pas le même poids et que les modalités de réalisation seront appréciées différemment.
Le DISC et la Process Communication
Il existe de multiples façons de cartographier les profils. Parmi elles, il en est une qui m’est familière et qui est comparable au DISC : la Process Communication. Issue des travaux de Taibi Kahler (expert en Analyse Transactionnelle), missionné par la NASA au début des années 1980 pour participer au recrutement et à la formation de astronautes. Le modèle définit 6 types sur la base de scenarii comportementaux (« Rêveur », « Persévérant », « Travaillomane », « Rebelle », « Promoteur », « Empathique »… on pourrait presque y associer des paires de couleurs).
On y retrouve des principes communs :
- un type de base (originel) qui semble être un comportement refuge en cas de difficulté
- un ou plusieurs types secondaires significatifs, issu de transformation personnelle, mais au final, chaque profil est une composition de l’ensemble des types.
- des comportements caractéristiques en cas de stress « ordinaire » et d’autres en cas de stress « importants ».
La process Com est utilisée en management. Elle explicite l’idée que pour établir ou restaurer une bonne communication avec quelqu’un, cela demande d’autant plus d’énergie que le profil de base de l’interlocuteur est « éloigné » du nôtre.
En résumé, on peut retenir qu’il est intéressant de développer son aptitude à reconnaître l’expression d’un type de comportement et à modifier sa posture en conséquence. En mettant en pratique cela, il est clair que l’on développe une agilité émotionnelle et une capacité de non-jugement. Cela ne signifie pas que ce soit la marche à suivre systématiquement, le conflit aussi peut avoir du bon, mais cela nous donne des clés pour en sortir.
De l’énergie collective
Il apparaît clairement que la connaissance des outils de représentation des profils et la pratique de leurs principes facilitent la relation en « one to one », mais qu’en est-il de la relation entre l’individu et le groupe ?
On en a parlé plus haut, on peut imaginer qu’un groupe, en tant qu’ensemble de profils, soit teinté ou au contraire, neutralise les couleurs individuelles. Selon son mode de fonctionnement (notamment ses modalités de prise de décision et la distribution des responsabilités), coloration ou neutralité des couleurs peuvent être favorables ou défavorables à la dynamique d’équipe.
Naturellement, les gens pensent que les autres fonctionnent comme eux. Alors, si une équipe dirigeante est composée de Dirigeants, l’essentiel de ses difficultés résidera dans la répartition de décisions. Par contre, si l’un des membres de l’équipe est Conforme, il sera sans doute perçu comme peut efficace, voir incompétent. A mon sens et d‘expérience, la meilleure chance de résolution du problème vient du collaborateur qui « contraste » et qui devra expliquer comment il fonctionne. Il pourra peut-être alors prendre des responsabilités spécifiques telles que la coordination des projets transverses et surtout devra s’assurer que les pratiques d’interaction avec le reste de l’équipe sont clairement définies, établissant une sorte de contrat permettant aux échanges d’échapper au jugement de la majorité des collègues. L’option qui viserait à tenter de passer inaperçu en forçant une posture sera sans doute génératrice de souffrance.
De la prise en compte de l’atypique
Avec du recul, on se rend compte que l’existence, dans une équipe, de profils atypiques est une chance, quand elle est reconnue et acceptée. Elle permet de répartir les activités de manière plus satisfaisante, voire de considérer que l’équipe peut s’autoriser à développer des activités originales pour elle.
Ainsi, l’aptitude du collectif à mettre à profit les particularités de certains profils par rapport aux caractères majoritaires est à mon sens une compétence collective de valeur. Elle permet d’envisager une complétude en plus de la cohérence apportée par une construction ordinaire, une résilience en plus de la cohésion. Un Conforme, qui aura pris soin de se positionner comme garant de l’essentiel et de ce que l’équipe jugera important, se verra sollicité et apprécié plutôt qu’évité et craint.
Des prismes et des filtres
Les tests visant à dresser un profil type sont intéressants en recrutement, j’ai d’ailleurs deux expériences notables à partager à ce sujet : la première : j’ai été recruté, il y quelques années, en grande partie grâce à un test qui a établi un profil à 100 % correspondant avec ce qu’attendait mon futur employeur… et je suis resté seulement deux semaines dans l’entreprise. La seconde : j’ai été approchée par une chasseuse de tête qui m’a proposé un test que j’ai passé au petit matin, pas trop réveillé, et qui a donné des résultats qui ressemblaient à du grand n’importe quoi. A l’entretien, la discussion autour des résultats a permis un échange très convivial et amusant qui restera dans mes annales et me qualifiait pour le poste (finalement pourvu en interne) parce que mon interlocutrice concevait le test comme un prétexte à la discussion sans autre prétention.
Avec un autre recul, l’usage de ce genre de tests peut être dangereux ou en tout cas contre-productif. On pourra mettre l’exercice en rapport avec l’expression du biais de représentativité (voir l’excellent article de ce blog sur le sujet).
Alors voyons les outils de définitions de profils comme des moyens de voir les choses autrement, de questionner et de comprendre un peu mieux l’alchimie d’un collectif qui ne doit pas être disséqué.