L’enjeu du TAO : préparation d’un projet en équipe
A quoi ressemblerait une partie de « l’enjeu du TAO » organisée au moment de la formation d’une équipe de développement ?
La mise en condition
Le jeu proposé par BeetleChoice Solutions cherche à développer des savoir-être que l’on peut considérer comme des soft skills. Ceux-ci reposent sur l’aptitude à sortir d’une démarche purement intellectuelle et à faire appel à d’autres dimensions de l’être (voir l’article « Du fond de l’être, faire émerger le relationnel collectif »). Alors, proposons que l’équipe, réunie autour d’une table, ferme les yeux pour les premières minutes d’échange. Les participants se présentent chacun à leur tour, expriment brièvement leur ressenti ou leur motivation à être là. L’idée est d’établir une relation dans un rapport aux sens qui n’est pas habituel, de laisser plus de place à l’écoute, dans un monde où le visuel est prépondérant.
La quête
Si le projet, qui est prétexte au jeu, est celui d’un commanditaire externe à l’équipe, il y aura une distinction entre le projet du « client » et la quête de l’équipe, celle-ci sera un projet dérivé : peut-être celui de traiter la commande différemment, d’améliorer quelque chose dans son fonctionnement, de greffer un projet d’organisation au projet de réalisation… Plus le projet s’éloigne d’objectifs matérialistes, plus l’expérience a des chances d’être profitable (voir l’article « Définissez vos objectifs en conscience »). Une autre possibilité est de jouer avec la « quête » du client, de se substituer à lui. Alors le jeu ciblera un travail sur la relation de l’équipe au client (savoir se mettre à sa place ou l’aider à l’élaboration de son besoin).
Prenons par exemple pour quête « Je veux prendre plus de plaisir à la réalisation des projets ». Notez le « Je » : Il est à la fois à prendre au sens individuel et collectif et le jeu est aussi, ici, clairement un outil pour travailler sur la question de l’intégration, du sentiment d’appartenance à l’équipe,…
L’expression initiale de la quête est le point de départ du jeu, mais le jeu n’est pas un chemin linéaire, il peut conduire à la redéfinition de la quête (un « pivot » dit-on dans le monde des entrepreneurs), voir à son abandon.
Cette expression de la quête, revient, pour chacun, individuellement, à répondre à la question «que cherches-tu ?» et à la question «qu’aimerais-je que cette quête m’apporte ?». Tout au long du jeu, chacun pourra exprimer sa vision de la dualité de points de vue : soit, en tant qu’individu, soit en tant que membre de l’équipe.
En route !
Nous voilà en route pour l’aventure. Par défaut, nous démarrons dans le monde de la Terre (celui de la clarification du besoin) et choisirons le point de départ extérieur (Y1 sur le plateau de jeu), souhaitant nous attarder dans ce monde quelque temps. Premier tirage de dé : 6, nous amène sur la case « question » n°04. Le tirage de dé suivant, 4, nous invite à répondre à la question 4 du monde de la Terre : « Quels ressentis généreront ta quête accomplie ? ». Cette question nous met en connexion à l’état de notre ressenti dans le succès de la quête. Elle fait un pont, un raccourci temporelle. Elle s’attaque à notre croyance que pour réussir il faut faire des efforts et que cela prend du temps. Bien entendu, la quête prend du temps et demande des efforts, mais lorsque les concepts de « flow » ou de « deep work » nous sont familiers, on sait que dans le «feu de l’action» temps et effort ne sont plus nos préoccupations. De plus, le ressenti qui s’installe, cet avant-goût de victoire, nous donne envie, confiance, impatience peut-être ? Dans la grille des savoir-être que propose le jeu ( voir profil TAO), on interroge ici ceux du héros, de l’adhésion.
Dans ma réponse à la question, je verrais peut-être le plaisir de réussir ensemble (les pratiquants de sport collectif savent à quel point la victoire est plus belle) dans un positionnement collectif. A titre individuel, l’intérêt d’ajouter à mon palmarès une expérience de plus ou d’avoir renforcé ma confiance en mes capacités à jouer le rôle qui m’a été attribué dans l’équipe. En retour à mon expression, l’équipe pourra me questionner sur mon besoin de confiance, partager ou pas ma vision collective, considérant par exemple que le plaisir de travailler ensemble est une histoire de quotidien et n’est pas lié qu’au succès… Il a raison, aussi, il est important de ne pas rentrer dans le jeu des objections, nous ne sommes pas là pour défendre des opinions, bien au contraire, nous offrons nos ressentis.
Tour suivant : retour au dé : 1. Nous avançons sur la case « obstacle » n°13. Nouveau lancé de dé pour déterminer le n° de l’obstacle : 6 : «Ta quête accomplie renforcera-t-elle ton estime de toi ?»
Dans mon cas, je pourrais avoir l’impression d’avoir déjà répondu à la question. Toutefois, notons qu’il ne s’agit pas ici d’un question, mais d’un obstacle : un indice qui nous fait penser que la question est piégée ou nous emmène à considérer quelque chose de particulier. En effet, l’estime de soi est une affaire de jugement, en particulier de jugement de soi, donc particulièrement exposé au biais cognitifs (voir l’article «Biais cognitifs, raccourcis et stratagèmes pour faire des économies»). Le jeu propose une clé de compréhension en ressource complémentaire pour éclairer notre lanterne : il nous invite à considérer l’influence de notre égo (qui, s’il est considéré sous l’angle négatif ici, peut aussi être notre allié). Cette fois, c’est plutôt les savoir-être du roi, du discernement qui sont évaluées.
Je peux répondre, dans ma vision du collectif qu’elle (la confiance) est attendue, compte tenu du contexte, et qu’elle est considérée sans outre mesure, ayant pris conscience de l’impact négatif d’une confiance surdimensionnée sur l’approche d’un projet futur (raccourcis méthodologiques, biais d’estimation,etc. qui feront prendre des risques inconsidérés). Sur le plan individuel, en maître zen, je répondrais sûrement que l’expérience ne change pas qui je suis, mais qu’elle est susceptible de répondre à un questionnement sur l’originalité de l’expérience que représente le projet. Sans nul doute, l’équipe me questionnera sur ce que le projet représente pour moi en terme d’originalité et d’incertitude lors de son feedback.
Nouveau tour, nouveau lancé de dé : 6 : nous décidons collectivement de bifurquer à droite pour rester un tour de plus dans ce monde : case «a2», nouvelle question. Nouveau lancé, donc, la question sera la n°5 : «Qu’est-ce que t’apporterait ta quête ?». Ici, la question invite à la profondeur, à la recherche de l’intention première, du bénéfice caché qui la dévoilera. L’expression de la quête initiale est naturellement plus ou moins matérielle, on souhaite, par exemple, réaliser un gain, mais dans quel but ? – Pour donner les moyens d’autre chose ? Mais dans quel but ?
En utilisant la question de manière récursive sur la réponse qu’on propose, j’ai des chances de parvenir à une réponse qui interroge le désir essentiel : celui de faire une expérience, celui d’apprendre sur moi, celui de se rapprocher de qui je suis vraiment. Faire l’expérience de moi dans un rôle inhabituel pour moi pourrait être ma réponse personnelle et faire l’expérience d’un ajustement des rôles et responsabilités dans l’équipe pourrait être ma réponse du point de vue collectif. Cette fois, ce sont les savoir-être de la fée, la créativité qui sont concernés par la question.
Tour suivant, un lancé à 5, nous décidons d’aller sur la position 29, dans le monde de l’Eau, une question. Ayant changé de monde, nous devons faire un petit bilan du monde que nous avons traversé avant d’aborder le nouveau. Peut-être que ce passage dans le monde de la terre nous aura appris que notre quête est davantage en lien avec une recherche d’équilibre que nous le supposions. A l’équipe de voir s’il est opportun de modifier l’énoncé de la quête, nous avons cette possibilité lorsque l’on passe d’un monde à l’autre.
Un nouveau lancé désigne la question n°3 du monde de l’Eau (celui où nous identifions nos armes) : «Quel était ton jeu favori ?». Cette question peut paraître anodine. Elle est bien entendu à mettre en relation avec la quête et donc la réponse à cette question ne sera probablement pas la même à chaque partie. Elle invite à faire une connexion à des aptitudes auxquelles nous avons fait appel dans une situation comparable (dans notre enfance, alors que nous n’avions pas encore (re)conditionné nos pouvoirs), nous démontrant que nous disposons déjà depuis longtemps de moyens utiles à cette quête. Pour ma part, cette question m’a ramené au jeu solitaire consistant à concevoir des jeux (un truc de fils unique!)…impliquant la création d’univers, scénario, bricolage, etc.. Nous pourrions débattre de l’importance de l’univers, à savoir de la mise en situation, du fait que, plus on se plonge dans l’univers du client, plus les scenarii de tests de bout en bout (simulation de cas d’usage) seront réalistes.
Tour suivant, nous décidons de passer dans le monde du Feu, celui de la rencontre de nos freins, et de nous y attarder. Avant cela, il nous faut faire le bilan de notre passage dans le monde de l’Eau : je dirais qu’il m’a permis de me reconnecter à moi, enfant, et à me rendre compte que je ne suis pas là par hasard. Du point de vue collectif, c’est peut-être une découverte de talents cachés au sein du groupe ? Peut-être aussi la naissance d’une curiosité pour le potentiel de cette équipe ?
C’est un 6 qui nous emmène sur la pierre 43 (une question). Le dé nous propose la question 5 : «Quelles solutions as-tu déjà essayées ?». Cette question nous invite à considérer que les tentatives de solutions puissent faire partie du problème (comme on le ferait avec l’approche systémique ), qu’il peut être pertinent de prendre du recul. Personnellement, je prends plaisir à concevoir, reléguant la réalisation au second plan, la considérant même parfois comme laborieuse (à un moment ou un autre, l’obstacle résiste). Autrement dit, l’allongement de la phase de conception m’arrange. Il est évident que cela n’arrangera pas le client ni l’entreprise. L’équipe pourrait m’inviter à creuser sur le plaisir de concevoir. Est-il solitaire ? – Sans doute en grande partie. Peut-être que chercher à concevoir en équipe de manière collaborative serait une solution intéressante (directement produite du problème!).
Le tour suivant nous propose un déplacement de 3 pierres. C’est l’occasion d’aller sur la pierre «oracle» 50. Proposons-nous la question suivante : «Comment concevoir en collaboration ?». Avec cette question en tête (donc dans l’énergie de cette question), consultons l’oracle : 6 lancés qui assemblent des tirages de Yin (traits discontinus) et de Yang (traits continus) formant un hexagramme renvoyant à l’un des 64 oracles du Yi King (le livre des transformations). Le tirage nous renvoie à l’oracle 9 : « Apprivoise » (pour une vision actuelle et au 59 « Dénoue » pour la perspective). A moi, maintenant, d’interpréter l’oracle (la situation, le conseil et les commentaires). Celui-ci me parle de patience et de diplomatie parce qu’il existe des tensions. J’imagine que ces tensions sont liées au fait que mon plaisir individuel de concepteur se heurte au besoin de coopération, et que, souhaitant garder la maîtrise de ma créativité, je rechigne à lâcher du pouvoir de décision.
Lorsqu’un oracle est consulté, sa réponse doit conduire à un engagement, à un plan d’action dont la mise en œuvre doit être menée à bien et démarrer au plus vite. Je propose de mettre en place des ateliers de conception collective et en toute première action, de décrire leur fonctionnement au plus vite, m’engageant à respecter les volontés de contribution et de décision des membres de l’équipe. Si le jeu doit s’étendre sur plusieurs sessions, il faudra avoir réalisé au moins un atelier de conception pour valider que l’engagement a été tenu.
Au tour suivant, le dé (un 4) nous permet d’aller sur la pierre «c2». Le lancé suivant nous propose la question 1 : «Quelles sont tes peurs ?». Parmi les savoir-être que stimulent le jeu, il y a celui de l’écoute intérieure : quand je pose une question (à haute voix), quelle réponse spontanée me fait ma petite voix intérieure ? Quelle réflexion peut partir de là ? Avec des questions telles que celle de la peur, la petite voix ne se fait pas prier pour répondre, faire ressentir quelque chose dans notre corps qui nous connecte à cette émotion. Pour ma part, la peur qui me vient à la conscience est celle de ne pas être reconnu (en tant que concepteur de génie…même si je ne suis pas toujours génial) et je peux imaginer que c’est en lien avec une blessure d’humiliation (dont je n’ai toujours pas trouvé l’origine aujourd’hui). La ressource complémentaire de la question nous introduit cette notion de blessure popularisée par Lise Bourbeau. Collectivement, la peur principale est peut-être celle de l’exclusion d’un des membres de l’équipe, ce qui, sans nul doute, assurerait l’échec de la quête.
Un 3 pour passer dans le monde de l’Air (pierre « obstacle 74). Petit bilan du monde du Feu : Peut-être ce passage dans le monde du Feu nous invite à prendre soin, à être attentif, à considérer chacun, de manière à ce qu’il se sente «partie prenante» : il nous a probablement indiqué que sans l’intégration équitable de tous, le succès de la quête sera de courte durée.
Question 5 : «Reviens à ta quête accomplie : Comment as-tu surmonté les obstacles ?». Voyageons encore dans le temps, ressentons le plaisir d’avoir bien travaillé ensemble. Je sais que certaines difficultés viennent du fait qu’au sein d’une nouvelle équipe, ma façon de raisonner est plutôt originale et peut paraître manquer de logique efficace. Alors, la levée de l’obstacle viendrait sûrement de la réussite à faire comprendre et accepter ma démarche (holistique) et à adapter l’organisation en conséquence, à savoir, accorder plus de temps à la réflexion qu’il ne semble nécessaire pour gagner du temps ensuite, en évitant les remises en question. Du point de vue collectif, la réponse à la question est sans doute la confiance en l’autre, en ses compétences.
Le temps passe…
Embarqué dans le jeu, le temps passe à une vitesse folle. L’animateur veille à garder du temps pour clore cette session qui nous a permis de faire le tour du plateau. Il nous faut partager encore sur l’expérience de jeu, exprimer ce qu’il nous a apporté. Nous tentons également d’établir un profil de l’équipe : parcourant les savoir-être du profil TAO, nous évaluons collectivement chacun d’eux. Il va peut-être nous renseigner sur nos points forts à mettre à profit ou stimuler notre vigilance si certains savoir-être nous semblent faire défaut alors qu’ils semblent utiles à notre cause commune. Peut-être cette évaluation nous conduira-t-elle à mettre en place quelque chose de spécifique ? Par exemple, si nous constatons que le savoir-être « dirigeant » fait défaut, nous pourrions prendre un temps de réflexion pour identifier quelles décisions nécessitent un positionnement clair de l’équipe et formaliser un processus à mettre en oeuvre ?
Un autre rendez-vous est pris ? Décidons collectivement d’aller un peu plus loin avec cette quête ou proposons nous un autre challenge pour tenter de faire évoluer notre profil collectif ! Dans tous les cas, n’oublions pas nos engagements : cette nouvelle expérience devra commencer par un temps d’échange sur les actions menées à bien.